Histoire de Phuket : Pirates de l’Andaman
Il y a 400 ans, les eaux baignant Phuket étaient infestées de redoutables pirates. L’importance et les destins de ces bandes de pirates venues du Japon, de Sulawesi ou de Malaya ont grandi et décliné au fil des années – mais à cette époque les mers étaient extrêmement dangereuses à naviguer pour un navire isolé.
Il nous est parvenu un récit épique d’une attaque d’un escadron pirate ‘Illanun’ (Malais) contre un navire britannique isolé en 1863.
Le navire, une brigue commerciale basée à Singapour, la Lizzie Webber; transportait pour sa défense 12 canons, son capitaine était John Ross Northwood, secondé par son premier maitre M. Simpson, son équipage était malais.
Lors de l’une de ses routes commerciales vers Bornéo, le capitaine Northwood embarquât son épouse anglaise et son fils de 4 ans avec lui sur le navire.
A Bornéo, il embarquât des passagers et chargeât de la cargaison, dont une grande caisse de pièces d’or et d’argent d’un marchand afin de la livrer dans une banque de Singapour.
Des rumeurs de sa cargaison durent fuiter, car un jour au port un ‘négociant’ malais montât à bord de la Lizzie Webber, mais ne fit jamais aucun négoce.
Il semblait suspicieusement curieux à propos des canons du navire. Kassim, fidèle second de Northwood, apprit plus tard que le visiteur était Si Rahman, un célèbre capitaine pirate Illanun.
La Lizzie Webber mit les voiles dans la soirée mais le lendemain matin elle fut retrouvée au mouillage sur une mer calme près de l’ile de Labuan. Puis huit embarcations Illanun apparurent approchant au lointain, leurs rames cadençant sur les eaux matinales.
Le capitaine Northwood savait qu’il n’avait aucune chance de s’enfuir et qu’il devait donc se battre pour son navire … l’équipage se mit aux postes de combat, les canons furent sorti, les mousquets et les sabres distribués aux marins.
La capitaine Northwood se précipitât dans les quartiers ou se trouvaient sa femme et son fils. Elle savait aussi bien que lui le sort qui l’attendait si les pirates prenaient possession du navire, il lui remit donc un revolver lui intimant de tirer sur son fils avant de se tirer dessus si les pirates abordaient … L’escadron de pirates fondit sur sa proie.
Les pirates étaient forts d’une centaine d’homme et, si les pirates avaient attaqué directement, la Lizzie Webber n’aurait pas tenu une demi-heure.
Par chance les choses ne se déroulèrent pas de cette manière… A la place, le prahu de commandement arriva à proximité.
Sur le prahu de commandement, une plateforme fut érigée. Si Rahman, le capitaine des pirates, se dressa dessus, resplendissant dans son manteau écarlate.
Il criât qu’il avait besoin de tabac et demanda s’il pouvait monter à bord. Le capitaine Northwood criât en réponse qu’il savait reconnaitre des pirates lorsqu’il en voyait, et que si le prahu ne faisait pas demi-tour, il ouvrirait le feu.
Si Rahman conseillât à Northwood de rendre son navire sans combat inutile, étant lui-même un “kabal” (celui qui a subi des rites magiques) et portant un charme magique le rendant invulnérable aux armes à feu et aux lames.
C’est alors que, sans en avoir reçu l’ordre, Kassim, tira en direction de Si Rahman.
La bataille s’engageât… L’équipage complet ouvrit rapidement le feu ce qui déconcertât les pirates… ses douze canons étant chargés de boulets ronds et de mitraille très efficace à courte portée.
Les pirates, qui avaient plusieurs armes, répondirent avec vigueur… Le rugissement des canons et des mousquets faisait un vacarme assourdissant, par-dessus lequel éclatèrent les hurlements des pirates.
En quelques minutes, M. Simpson (le premier maitre) fut transporté vers un pont inférieur, gravement blessé, trois marins le suivirent dans un état similaire.
Sans chirurgiens, Mme Northwood dut assister les blessés du mieux qu’elle pouvait. Son fils Johnnie, qui loin d’être effrayé par le vacarme de la bataille, essayait sans cesse de gagner le pont supérieur pour voir “ce que papa faisait”.
De son côté, le capitaine Northwood luttait pour son navire et sa cargaison. Son principal objectif était de tuer Si Rahman, qui montrait une audace extraordinaire – possédé qu’il était par son idée de charme magique qui le protégeait du danger.
Il tenait sa plateforme, tel un démon écarlate, dirigeant l’assaut exposé aux tirs des mousquets sans que rien ne l’atteigne… Des volées de balles étaient tirées en direction de Si Rahman sans le blesser.
Il était parfaitement conscient des tentatives sans relâche de l’atteindre et se complaisait dans la puissance de son charme magique. Le charme semblait réellement fonctionner.
Après trois heures de combats acharnés vint l’accalmie. Le capitaine Northwood fit le tour des ponts et vit que les canons étaient près à refaire parler la poudre.
A peine avait-il fait feu de tous ses canons que les bateaux pirates repartirent à l’assaut.
Le plan de bataille de Si Rahman n’était évident… ce qu’il aurait dû faire il y avait bien longtemps, lance ses hordes de pirates à l’abordage de la Lizzie Webber et laisser parler les sabres. Northwood vit l’attaque arrivée avec le plus sombre désespoir.
Comment pouvait-il espérer avec son équipage surmonter l’abordage sauvage de centaines de pirates Illanun?
L’esprit à moitié troublé par l’idée de se précipiter auprès de sa femme et son fils… il vit les tirs de ses canons s’envoler sans faire mouche au-dessus des prahus approchant, Navigant si près de la surface qu’il était impossible de viser si bas avec les canons pour espérer les toucher.
Le prahu de Si Rahman, de loin le mieux manœuvré, prit rapidement la tête et se retrouvât presque côte à côte avec la brigue quand Northwood aperçut Kassim sur le point de tirer du canon.
Northwood hurlât “ne tires pas au-dessus du prahu”, mais Kassim montrât qu’il avait incline le canon au maximum.
Regardant tout autour de lui les yeux plein de désespoir, Northwood vit un morceau de mat sur le pont.
Employant toute sa force pour soulever le canon, il ordonnât à Kassim et un autre marin de faire rouler le mat sous le canon.
Il fit feu … Des hurlements terribles se firent entendre du prahu pirate tandis que des cris de joie résonnèrent depuis le pont de la Lizzie Webber.
Ce que Northwood vit en regardant par-dessus le pavois fut un amas de ruine en lieu et place de la fameuse plateforme sur laquelle se trouvait l’intrépide Si Rahman dans son manteau rouge.
Comme si ce fut Si Rahman lui-même, un morceau d’étoffe rouge dérivait autour du prahu qui sombrait, seuls reste du fier chef Illanun. Le charme magique ne l’avait plus protégé au moment fatidique.
La flotte pirate toujours autour de la brigue, leurs embarcations voguant plus vite que la brigue ne pouvait naviguer, il était clair que les ennemis attendaient la nuit tombée pour lancer leur attaque finale.
Projet sombre et sans espoir, mais la brise rafraichissait les idées.
La Lizzie Webber commençât à glisser sur les eaux, les pirates, assoiffés de vengeance et de butin, se rapprochèrent sous les derniers rayons du soleil couchant. Une fois de plus la poudre se fit entendre dans les deux camps.
C’est alors que Mme Northwood apparat pour informer son marin qu’il ne restait que six barils de poudre.
Cela permettait seulement de tirer une salve afin d’en conserver pour les mousquets… soudain le capitaine Northwood modifiât sa tactique… il barrât, étira ses voiles et avant que les pirates eurent le temps de comprendre il se dirigeât droit vers leur flotte tirant sa dernière salve de boulets.
Un des prahus fut pris en désavantage par la manœuvre et barrant à nouveau, Northwood changeât de direction une nouvelle fois… la minute suivante, la quille de la brigue fracassa le prahu.
Des pirates furent abattus en essayant de nager loin du navire, d’autres réussirent à escalader les chaines du navire afin d’atteindre le pont mais furent promptement tués.
La nuit tropicale s’installa et son obscurité bienvenue permit à la Lizzie Webber de s’enfuir en sécurité.
L’auteur de ce passage passionnant est John Dillon Ross, le petit “Johnny” d’alors quatre ans.
Adapté avec la gracieuse permission de l’auteur de ‘A History of Phuket and the Surrounding Region’ Colin Mackay. Disponible dans toutes les bonnes librairies et sur Amazon.com. Commandez la deuxième édition directement sur : www.historyofphuket.com
Article original : The Phuket
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