
Le tourisme de Phuket souffre des crises
PHUKET : L’industrie touristique de Phuket n’atteindra pas l’objectif de l’Autorité du Tourisme de Thaïlande (TAT) qui ciblait 10 millions de visiteurs cette année, et a peine à avancer face aux reports de réouverture du pays aux touristes dans le cadre du COVID, des retombées du conflit entre la Russie et l’Ukraine et de problème de longue date qui sont “inévitables”.
Bill Barnett, directeur du cabinet de conseil en hôtellerie C9 Hotelworks, a communiqué l’information dans une interview diffusée la semaine dernière par l’agence nationale NBT World après le Thailand Tourism Forum 2022 organisé en début de mois.
“Nous avons appris des deux dernières années. Nous avons appris du Bac à Sable de Phuket. Nous avons appris comment le public et le privé peuvent travailler ensemble. Je suis en Thaïlande depuis 20 ans et c’est la première fois que je vois ce niveau de coopération.” indique M. Barnett.
“Nous avons aussi pu constater que nous avons besoin de voir les communautés s’engager. C’est très important car pour traverser cette épidémie il n’y a pas eu de feuille de route, mais les communautés se sentent en sécurité et prêtes à accueillir les touristes et à travailler. Ce sont elles qui fournissent les employés des hôtels, donc il faut des partenariats partout, et travailler avec ses voisins. C’est très important.” a-t-il ajouté.
M. Barnett porte deux regards sur le secteur touristique de l'île, qui a été esquinté par des responsables touristiques faibles au cours des deux dernières années.
“La Thaïlande dispose de grandes infrastructures pour une économie de services. Les thaïs sont qualifiés, ils ont de l’expérience, ils sont capables ‒ mais ce qui leur fait défaut, notamment en pensant aux dernières années, c’est le manque de leadership et d’innovation.” dit-il.
“C’est un aspect qui a aussi été mentionné par Bill Heinecke, directeur du Minor Group, lors de la conférence TTF 2022. Il faut de l’innovation. Les affaires changent."
“Ce qui s’est passé pendant cette épidémie est une tendance qui allait de toute façon arriver. L’augmentation du coût du travail, le manque de travailleurs qualifiés dans l’hôtellerie et le manque d’innovation dans le style de gestion des hôtels, comme on le voit en occident.” dit M. Barnett.
“Nous devons être plus souples et dynamiques dans notre approche de l’hôtellerie. Nous ne pouvons pas continuer à jeter indéfiniment des employés. Nous devons proposer des carrières dans l’hôtellerie et mieux former les employés et innover dans nos systèmes.
“Une croissance durable, pas uniquement une croissance à deux chiffres chaque année avec de nouveaux objectifs chaque année ‒ et pour cela il faut prévoir.” a expliqué M. Barnett.
“Il faut un grand plan. Trop souvent quand nous considérons le P nous parlons de promotion, pas d’un grand plan, et c’est ce qu’il manque au gouvernement.
“Je vis à Phuket et Phuket n’a pas vraiment de grand plan touristique. Nous savons comment promouvoir, mais nous ne savons pas ce qu’il va se passer dans les cinq à dix prochaines années.” dit-il.
“Je pense que le plus important est la capacité du gouvernement à se mobiliser et à investir dans des projets d’infrastructures touristiques. On ne peut pas que prendre du tourisme et dire que nous en voulons plus, nous en voulons toujours plus… sans réinvestir.
“Il faut des investissements, non seulement sur la côte est, mais dans d’autres secteurs aussi. Le gouvernement doit réinvestir dans l’industrie touristique pour la relancer et la stabiliser.” dit-il.
Le Bac à Sable de Phuket n’est plus un modèle de ‘recapture’ des touristes, dit M. Barnett.
“Maintenant nous perdons du terrain par rapport à d’autres destinations. En un mois, nous avons perdu beaucoup face à Bali. Aujourd’hui Bali est ouverte sans quarantaine. On voit les Maldives, on voit d’autres pays autour du monde en finir avec l’épidémie et essayer d’avancer leurs profils touristiques.
“Test & Go doit devenir Test & Gone. C’est le premier point. Pour pouvoir être compétitifs nous devons faire ce que les autres pays dans des positions similaires font.” dit-il.
Il semble maintenant que la relance touristique prendra des années, dit M. Barnett.
“Nous sommes au début d’un nouveau cycle, et je crois que nous sommes sur un territoire inexploré. Le public continue à demander ce qu’est la nouvelle normalité? Il n’y a pas de nouvelle normalité car le monde est sans dessus dessous. C’est comme si c'était une guerre froide touristique. Les prix du pétrole, la guerre en Ukraine, l’instabilité politique… causent beaucoup de problèmes
“Concrètement, nos projections à long terme ne vont que jusqu’en 2024. Il faudra du temps. Quand on entre dans un nouveau cycle, on reprend tout depuis le début.” dit-il.
REGLES DU CCSA
Le gouverneur de la TAT Yuthasak Supasorn a annoncé que l’agence se préparait à assouplir les règles de voyage en parallèle de la déclaration du COVID-19 comme endémique le 1er Juillet.
Les objectifs d’arrivées et de revenus touristiques de l’année devront être revus à la baisse en raison de l’augmentation des prix du pétrole et de l’inflation provoquée par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, dit-il.
La déclaration du COVID-19 comme endémique à partir du second trimestre permettra d’autres assouplissements, notamment la fin du Thailand Pass, qui marquera un grand pas en avant pour le tourisme.
L’agence doit établir de nouveaux protocoles au cours des quatre prochains mois, a-t-il ajouté.
Toutefois, un test restera obligatoire pour entrer dans le pays, pendant qu’il continue à faire face à un très grand nombre de cas, dit M. Yuthasak.
La TAT prévoit de proposer davantages d’allègements des règles de voyage après la prochaine réunion du Centre d'Administration de la Situation du COVID-19 (CCSA) le 18 Mars.
L’agence va suivre de près le conflit entre la Russie et l’Ukraine qui a provoqué une augmentation des prix du pétrole, ce qui affecte directement les compagnies aériennes. La TAT attendra la fin du mois avant d'annoncer de nouveaux objectifs touristiques pour l’année, dit-il.
“Le tourisme reste un moteur de la relance économique du pays, même si ses revenus sont affectés par de nombreux facteurs négatifs.” dit-il.
L’objectif de revenus touristiques pour l’année est de B1.28 billions, parmi lesquels B626 milliards viendrait de 10 millions de touristes étrangers, et B656 milliards de 160 millions de touristes thaïs.
VICTIMES DE GUERRE
La dernière étude de l’Université de la Chambre de Commerce Thaïe (UTCC) indique que le conflit Russie-Ukraine devrait infliger des pertes de B244.7 milliards à l’économie thaïe, faisant baisser le PIB entre 2% et 3% cette année si le conflit se prolonge toute l’année.
“L’économie thaïe devrait connaître une croissance de 2% à 3%, et une inflation stable à 5% si le conflit Russie-Ukraine dure toute l’année.” dit Thanavath Phonvichai, président de l’UTCC. “Ce scénario entraînerait la Thaïlande dans une stagflation en 2022.”
La stagflation est une combinaison de stagnation et d’inflation, note Bangkok Post. C’est une condition économique caractérisée par une très faible croissance et un fort taux de chômage (stagnation économique) et une augmentation des prix (inflation).
La stagflation des années 1970s a vu de nombreuses économies développées souffrir d‘une rapide inflation et d’un fort taux de chômage en raison de la crise pétrolière.
Cependant, M. Thanavath d’insister “Néanmoins, il est trop tôt pour envisager un tel scénario catastrophe, car la situation est très incertaine… L’université continue à prédire une croissance de l’économie thaïe au taux annoncé en Novembre dernier, et attendra début Avril avant une possible réévaluation.”
Article original : The Phuket News
https://www.thephuketnews.com/phuket-tourism-suffering-under-slew-of-crises-83456.php